Je suis arrivé ce 14 juillet dans mon petit village des Pyrénées, au sud de Toulouse. C’est mon petit pèlerinage vers ce « semblable » à moi-même qui m’habite depuis quarante ans.  Semblable et si attirant parce que justement si différent, mon petit village de montagne est rempli d’amis, de famille, devrai-je dire, et d’un calme hors du temps qui contraste avec Toulouse que je ne reconnais plus depuis si longtemps, même si je l’ai déjà adoré, quand j’y ai vécu.

Je suis venu à quelques heures d’avis, pas pour la fête nationale, mais pour fêter l’anniversaire d’une de ces personnes qui me sont chères. Roland était visiblement heureux que j’aie traversé l’atlantique pour son anniversaire, et Marie-Blanche et moi avons eu le temps de refaire le monde avant le dîner … et bien sûr, ce dîner là-haut sur la montagne, avec plein de vieilles connaissances. On a encore refait le monde et on s’est expliqué le Brexit avant les fromages. Au digestif, on avait déjà reconfiguré l’Europe.

En allant au lit très tôt, décalage oblige, j’avais pris le temps de me rappeler qu’en arrivant à l’aéroport de Blagnac, je m’étais pris à penser que le jour de la fête nationale était une occasion de frapper pour les terroristes. Après avoir craint qu’ils ne se manifestent pendant l’Euro, plusieurs se demandaient où et quand.

Huit mois après le Bataclan, le temps avait peut-être fait baisser la garde.

D’un autre côté, l’esprit festif, comme son étendue nationale d’ailleurs, rendait nécessairement poreuse la sécurité. Je ne suis pas voyant, car c’est là l’analyse que faisaient plusieurs observateurs. Ça allait se produire prochainement, peut-être à Marseille !

Il y a quelques mois, j’avais été frappé par la lecture d’un livre écrit par Noam Chomsky et André Vltchek ( http://ecosociete.org/livres/l-occident-terroriste ) qui expliquaient assez clairement comment l’occident avait fabriqué ces terroristes.

Un autre texte, lu beaucoup plus récemment a achevé de me convaincre. Accordant une entrevue pour une revue, Michel Onfray faisait une analyse aussi originale que troublante sur une certaine forme de guerre des mondes que l’Occident allait perdre … ( http://www.philomag.com/les-idees/entretiens/michel-onfray-meilleur-ennemi-de-lislam-14859 )

Ce matin, 15 juillet , bien remis de mon décalage, je descendais vers le village pour aller au café et, en entendant l’alerte de mon cellulaire qui retrouvait sa connexion, j’ai lu la nouvelle de l’attentat de Nice.

En lisant sur l’identité du coupable et les conditions autant que le contexte de l’attentat, je me disais que l’éternelle question du vivre ensemble ne se résoudrait pas aujourd’hui.

Bien loin de miser sur le semblable pour dissoudre les amalgames faciles, on s’enfoncera probablement et de de plus en plus dans les différends avec tout ce qui est différent.

Si le soir où on célèbre ensemble des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, on finit, par nécessité vitale, par se méfier de ce différent, c’est peut-être que la fête est finie et que, comme le disait Michel Onfray, le bateau coule déjà.