J’étais jeune et pressé. J’étais parti en retard et le train n’en finissait plus de m’empêcher d’être à l’heure.

C’est ce que je me plaisais à maugréer.

Je voyais la queue du train arrivée enfin et je m’apprêtais à accélérer pour passer juste derrière quand j’ai vu l’écriteau : « Attention ! Un train en cache parfois un autre ! ».

Cette lecture a été salutaire, car, malgré l’impétuosité, quelque chose en moi a décidé d’attendre que la queue du train dégage un peu, au cas où …

Je n’ai pas eu à attendre bien longtemps pour constater que l’écriteau disait vrai, et que je devais la vie à la vieille vertu cardinale de prudence.

Bien plus tard dans ma carrière, j’ai observé des gestionnaires apprendre du fait qu’ils avaient péché par excès de prudence et ainsi raté des virages importants ou même des opportunités. Beaucoup sont devenus matures et ont appris à mesurer le risque et à décider.

J’ai aussi observé ceux qui se faisaient croire qu’ils étaient de grands gestionnaires du simple fait qu’ils avaient réagi vite, ou pire encore, que les problèmes étaient nécessairement réglés du fait qu’ils avaient réagi vite.

En général, convaincus que leur précipitation est compétence d’analyse, ils n’apprennent pas facilement la différence entre urgence et importance, entre gestion et improvisation. Ils manifestent la même cécité pour l’évaluation des résultats que pour l’analyse du problème. Ils sont souvent en retard, ayant toujours un nouveau feu à éteindre; ils n’ont pas, non plus, le temps d’être prudents ou d’écouter, pas plus qu’ils ne lisent les écriteaux.