Daniel Goleman[1] propose de développer quatre compétences afin d’atteindre l’ « intelligence émotionnelle ». On aurait tort de croire que la chose est simple. Elle est surtout fondamentale ! Goleman a le mérite d’avoir bien saisi et exprimé simplement que la première chose à faire pour bien communiquer avec l’autre est un travail sur soi et que ce travail nécessite un effort … de raison.

Pour résumer très sommairement, voici les quatre compétences à développer pour atteindre l’intelligence émotionnelle, quatre défis préalables à toute communication vraiment fonctionnelle, et source de vie meilleure.

1) Aptitude à identifier son état émotionnel (et celui des autres).

2) Aptitude à comprendre le fonctionnement et l’évolution des émotions.

3) Aptitude à « raisonner » son état émotionnel (et celui  des autres).

4) Aptitude à « gérer » son état émotionnel (et celui des autres).

Il est intéressant de noter que des recherches récentes tendent à confirmer que ces aptitudes ou compétences sont réellement des gages d’efficacité, dans les relations intimes en particulier.

On constate que le programme est à la fois simple, pertinent, clair, mais qu’il est surtout très difficile à compléter !

Toutefois, certains s’étonnent même quand on dit que l’effort de raison est fondamental pour développer cette intelligence émotionnelle. Pourtant, plusieurs auteurs peuvent être cités pour fonder la pertinence de l’une ou l’autre des quatre aptitudes à développer selon Goleman.

Par exemple, Albert Ellis[2], a bien démontré qu’une émotion désagréable, mais tout de même primaire, pouvait être transformée à travers le filtre de croyances irrationnelles et pas toujours conscientes. L’identification et la remise en question de ces croyances aideront aux aptitudes 1 et 2.  Le remplacement volontaire de ces croyances par des pensées rationnelles aidera à développer les aptitudes 3 et 4 pour générer des émotions plus saines et des comportements plus fonctionnels.

Le grand psychologue Paul Ekman[3] dont les travaux sont largement connus a dressé une liste des émotions de base (tristesse- joie- colère- peur- dégoût- surprise) qui seraient universelles, rien de moins. Ce n’est pas peu dire, car ces émotions n’auraient rien à voir avec la culture et seraient universellement reconnues, entre autres, par l’expression faciale qui les accompagne systématiquement.

Le corps ressentirait donc des émotions primaires relativement limitées en nombre et il les « vivrait » littéralement. Le visage de l’interlocuteur, surtout au niveau des yeux, exprimerait d’ailleurs mieux que ses mots ce qu’il ressent ?

C’est l’habileté à percevoir ces expressions faciales (parfois de micro-indices) qui constitue la technique la plus puissante des grands thérapeutes et communicateurs puisqu’ils saisissent l’expérience émotive de leur interlocuteur mieux que ce que les mots de ce dernier n’expriment.

Si le thérapeute réussit bien, c’est aussi parce que lui-même n’est pas impliqué émotivement. C’est en effet beaucoup plus difficile pour un individu qui réagit émotivement à un autre de discriminer entre ses propres émotions et celles de l’autre. En d’autres termes, le cerveau ne doit pas être en train de réagir « émotivement » à l’autre pour pouvoir traiter « objectivement » les indices d’émotions chez autrui.

Voilà aussi pourquoi les grands communicateurs savent que, malheureusement, ils sont aussi démunis que les autres dans leurs relations intimes.

Pour sa part, Albert Mehrabian, professeur de psychologie  à l’université de Californie, est venu illustrer à sa façon les travaux de Ekman et les constats de Ellis.

Mehrabian a en effet démontré que lorsque la communication implique émotions ou attitudes :

  • 55% du message serait lié au langage corporel.

C’est énorme bien sûr, mais il faut ajouter que le seul ton sera lui aussi très porteur d’émotions communiquées. Comme on l’a vu, l’émetteur ne se rend pas nécessairement compte du message dont son seul ton de voix est porteur;

  • le ton comptera pourtant pour 38 % du message !

Dire je suis calme, avec une certaine intonation, ne trompera d’ailleurs personne d’autre que l’émetteur.

  • Le poids des mots ne représentera que 7 % !

On pourrait s’étonner du faible 7 % que représente le poids des mots eux-mêmes dans les échanges émotifs, mais il y a plus encore à considérer lorsqu’on cherche à décoder les émotions. Il faudra en effet compter avec le langage subvocal et les croyances irrationnelles (Ellis), et ce que le corps en dit (Ekman).

La bonne nouvelle est certainement qu’on peut s’entraîner à faire preuve d’intelligence émotionnelle.

[1] Daniel Goleman, psychologue diplômé de Harvard, était journaliste quand il a publié « intelligence émotionnelle » en 1995.

[2] L’approche dite de thérapie « émotivo-rationnelle » de Albert Ellis a exploité avec grand succès cette évidence.

[3] Paul Ekman a dressé cette première liste des émotions de base en 1972. Toutes ces émotions correspondent à une expression du visage. Ekman a publié une nouvelle liste de 16 émotions en 1990, dont plusieurs positives cette fois, mais qui ne semblent toutefois pas correspondre à une expression du visage.