C’est une des dates les plus profondément gravées dans ma mémoire.

47 ans aujourd’hui que mon père est mort.

C’est presque autant qu’il en a vécu. 

Il est mort à 52 ans.

Chaque 18 octobre, où que j’aie été, je me suis rappelé en mon for intérieur.

Il a ouvert les yeux, une dernière fois,  il a inspiré une dernière fois,  je l’ai pris dans mes bras,  une dernière fois,  pour son dernier souffle. 

Il a expiré profondément, comme pour se détendre,  comme pour se détendre finalement.

C’est la dernière fois que j’ai pu lui dire « papa ».

Comment la tendresse pouvait-elle faire si mal ?

Comment pouvais-je vouloir le retenir autant  après que j’aie tant souhaité qu’il cesse de souffrir … en partant.

Cela fait donc 47 ans que je n’ai pas dit « papa ».

J’avais 20 ans ! 

Et me voilà dans cet espace phénoméno-existentiel fort et troublant d’un papa devenu grand-papa et qui, comme à chaque 18 octobre, n’est pas certain de ne plus être ce gamin de 20 ans qui aurait encore envie de dire papa « je t’aime ». Chaque 18 octobre est un plongeon vers l’intérieur où la maturité m’apparaît tout à coup bien relative.

Le simple constat répétitif de mon âge m’étourdit alors que les souvenirs de jeunesse; de mon vagabondage en Europe; de mes études en France et aux États-Unis, de mes vies antérieures comme de toutes mes volontés au futur antérieur sont si près, même si on est déjà demain. 

Tous les 18 octobre, mon gamin intérieur de 20 ans s’agite, plein de volontés et de doutes. Tous les 18 octobre, j’oscille entre la certitude d’en avoir fait beaucoup et le doute que je n’ai peut-être pas fait tout ce qui était possible.

Vivement le 19 !